Entreprise confinée, entreprise libérée
Une tribune de réflexion pour penser une organisation au-delà de l'usage des outils collaboratifs, par Christophe LEGRENZI
Indispensables, les outils collaboratifs ne sont néanmoins pas la panacée en période de confinement. Sans une démarche d’organisation structurée, où chaque collaborateur voit ses responsabilités clairement définies, point de salut.
Face à la situation inédite que nous vivons actuellement, certains dirigeants pourraient être tentés de penser qu’avec la panoplie d’outils de visioconférence, de messagerie instantanée de partage de dossiers dont sont équipés leurs collaborateurs, leur entreprise est sauvée et peut fonctionner de manière optimale.
Certes, la présence d’outils de communication et de collaboration est un atout indéniable. Si l’on se compare à une organisation qui n’en serait pas dotée, on peut effectivement se dire que disposer des logiciels ad hoc est un plus. Mais attention de ne pas se focaliser sur l’arbre qui cache la forêt.
Il ne faut en effet pas confondre la logique d’outillage avec la démarche d’organisation. Une entreprise peut très bien être suréquipée mais ne pas être organisée du tout. Aujourd’hui, les sociétés qui fonctionnent le mieux sont celles qui, au-delà de l’équipement de leurs salariés, ont défini des rôles et des responsabilités et ce, dans une quadruple logique : responsabilisation, subsidiarité, confiance et autonomie.
Entreprise libérée : la réponse au modèle hiérarchique
Je veux parler ici de l’entreprise libérée qui, par nombre de ses caractéristiques, correspond à l’anti-modèle industriel, ultra-hiérarchique, autocrate où, en période de confinement, rien ne se passe, où l’encéphalogramme plat prévaut et où les trois quarts des services sont paralysés.
L’entreprise libérée est un modèle d’organisation, quand tout le monde est confiné, bien plus efficace que le modèle hiérarchique. Pour y parvenir, il faut tout d’abord déterminer les missions des différents organes de gouvernance : CODIR, COBIZ, COMOP, COR&D… Cela permet d’être immédiatement opérationnel.
Il est ensuite nécessaire de bien définir les rôles et responsabilités de chacun. Par exemple, dans le secteur du conseil, il est indispensable de préciser le rôle de directeur de mission, de business leader, de practice leader, de facilitateur et de contributeur. Les collaborateurs se retrouvent ainsi à la tête de leur propre domaine. Chacun sait ce qu’il a à faire.
Les collaborateurs et les collaboratrices « empowered » ne sont plus une vaine conception théorique mais une nécessité.
Les collaborateurs et les collaboratrices « empowered » ne sont plus une vaine conception théorique mais une nécessité. La prise d’initiative et le sens de la responsabilité de chacun contribuent à la bonne poursuite des activités.
Subsidiarité : un des piliers de la démarche
La logique de subsidiarité est fondamentale également. Elle consiste à considérer par principe que la décision appartient à celles et ceux qui – sur le terrain – sont confrontés aux problématiques auxquelles ils ou elles doivent apporter une réponse. La subsidiarité rend les circuits plus courts, elle optimise l’agilité globale de l’organisation. Elle fait partie intégrante de la démarche.
La subsidiarité rend les circuits plus courts, elle optimise l’agilité globale de l’organisation.
Dans l’entreprise libérée, nous sommes dans un modèle maillé, quasi ‘holonique’ : chaque partie, quand elle travaille pour elle-même, contribue également à la valeur de l’ensemble. Chaque acteur a un rôle à jouer.
Plus on parvient à autonomiser les collaborateurs, tout en restant conscient de faire partie d’un écosystème, plus on converge vers des systèmes de fonctionnement optimaux. Particulièrement pendant les périodes où les gens travaillent à distance, ne se voient plus.
Ne pas négliger les inconvénients du télétravail
Mettre en place l’entreprise libérée, avec ses principes d’organisation et de structuration, ne dispense pas de tenir compte des inconvénients du télétravail. Le travail à distance supprime les temps de déplacement et met fin aux temps de pause institutionnalisés comme le café du matin ou le déjeuner entre collègues. Cela a pour conséquence directe, pour certaines personnes, de travailler davantage. C’est le cas notamment des jeunes collaborateurs, qui ne vivent pas en couple.
Le confinement, pour certaines personnes, est également une épreuve. Quand on aime les relations humaines, les contacts sociaux, on peut voir son humeur se rembrunir à force de ne voir personne (ou peu de monde). Qui plus est, le fait de ne plus pouvoir poser une question rapide à un collègue, en « passant une tête » dans un bureau, pour recueillir un simple avis informel dont la réponse rassure, peut être source de stress et de démotivation.
Pour pallier ces désavantages, il est plus que crucial de ritualiser les moments de communication avec les collaborateurs. Création d’un « café virtuel » du matin, de réunions expresses à chaque fois qu’un anniversaire est à souhaiter, de séances de coaching sportif entre collègues, de partage d’astuces pour bien travailler de chez soi, des séances de formation ‘flash’ ou des meilleures vidéos, blagues et gifs pour mettre un peu de « fun » et s’aérer l’esprit… L’imagination est, en la matière, sans limite. Encore faut-il permettre à cette imagination de s’exprimer pleinement.